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< NEUILLY et son HISTOIRE. 1780-1816. Par Mme CL. Laude, responsable du fond local et
Mr B. Penel, Archiviste de la ville.
par Odile Loeuillet
Neuilly, ce nom nous renvoie généralement à une vision, soit idéalisée, de cette banlieue parisienne chic, aisée, aux beaux
immeubles cossus et aux larges avenues aérées, soit, au contraire, caricaturale : « les riches ». Mais on songe peu à évoquer son
histoire. Cette brochure nous en donne un aperçu, dans une période qui va de l'Ancien Régime à la Restauration (1766-1817), à
travers quelques lieux et bâtiments phares : châteaux, parcs, folies, églises, et quelques repères historiques.
En 1780, Neuilly s'étendait le long de la Seine. A l'Ouest, l'abbaye de Longchamp, mitoyenne du domaine du Château de Madrid. Plus
loin, un bourg de 2400 habitants, groupés autour de l'ancien pont et de l'église St Martin de Villiers. Le pont Perronet vient d'être
construit, en 1872. L'avenue de Neuilly est en train d'être pavée. Entre le pont et l'église st Martin, de grandes propriétés, le
château de Neuilly, et le château de Villiers. Le domaine de Neuilly s'étend dans la plaine de Villiers, jusqu'à l'actuelle rue
Chaptal, à Levallois. A l'Est l'Etoile, la plaine Monceau, les Ternes, les Batignolles. Entre ces 2 parties de Neuilly, des champs,
des cultures, une grande route, la route de St Germain , devenue depuis, avenue du Roule, puis avenue Achille Peretti.
L'Ancien Régime
L'abbaye de Longchamp, fondée par Isabelle de France, sour de St Louis, abritait des moniales et des pensionnaires.
Le château de Madrid, commencé à la Renaissance, par Androuet du Cerceau, pour François 1er, fut vendu, en 1787, par Louis XVI.
Les folies : A Bagatelle, Bellanger construisit la Folie d'Artois, pour le Comte d'Artois, avec parc à l'anglaise. Baudard de Vaudésir
avait hérité de son père un terrain où se trouve, de nos jours, la Folie St James, et fit ajouter à son nom le titre de Baron de St
James. La Folie St James, construite par Bellanger, était entourée d'un parc à l'anglaise, orné de constructions de fantaisie, dont il
reste le célèbre rocher. Baudard de Vaudésir, compromis dans une banqueroute frauduleuse, puis dans l'affaire du collier de la Reine,
dut liquider ses affaires, et la Folie St James passa aux mains du Duc de Choiseul Praslin.
Première église St Jean Baptiste : De l'autre côté de l'avenue de Neuilly, était construite une chapelle, sous le vocable de St jean
Baptiste, du nom de Jean-Baptiste Chantemerle, premier donateur, en 1540. La construction d'une église fut entreprise en 1750.
Les châteaux de Neuilly et de Villiers : Le château du Comte Marc Pierre de Voyer d'Argenson, ministre de la guerre sous Louis XV, fut
aménagé par l'architecte Cartaud . Dans son jardin, il avait installé une statue de Louis XV, par Pigalle. Les encyclopédistes se
réunirent chez lui et l'Encyclopédie y fut cachée. Sa bibliothèque constitue l'un des fonds anciens de la bibliothèque de l'Arsenal. Le
château fut vendu en 1766 à Radix de Ste Foy surintendant du Comte d'Artois. Sa fille, Mademoiselle de Neuilly, y résida jusqu'en 1792.
Au château de Villiers, vécut Pierre Moreau, qui, en 1725, reçut plusieurs fois Maximillien II, électeur de Bavière, qui lui offrit,
en remerciement, 2 tableaux : « Les disciples d'Emmaüs », et « Les anges dorés ». Ces 2 œuvres d'art sont actuellement dans l'église
St Jean Baptiste.
La plaine des sablons : Le Roi y passait ses troupes en revue. Dans cette même plaine eurent lieu les premières courses de chevaux, et
Marie-Antoinette et son beau-frère, le Comte d'Artois, y firent les premiers paris sur les courses. C'est là que Parmentier, apothicaire
des Invalides, obtint du Roi, en 1786, de planter ses premières pommes de terre. A la St Louis, le 25 août, Parmentier cueillit des
fleurs de pommes de terre qu'il porta au Roi, à Versailles, La Reine en mit à son chapeau, et le Roi à sa boutonnière, et la cour les
imita. Le Roi accepta le premier menu composé exclusivement de pommes de terre.
Période révolutionnaire
La garde bourgeoise : En 1789 l'assemblée générale des habitants de Neuilly nomme un comité municipal. Ce dernier procède à la
formation d'une garde bourgeoise qui va, dès le dimanche suivant, chez le Duc de Choiseul Praslin, à la Folie St James, l'assurer de
son attachement. Le duc, député à l'Assemblée nationale, votera les réformes proposées par la Constituante.
Les cahiers de doléances : Comme chaque paroisse « Port -Neuilly » rédige des cahiers de doléances. Celles-ci consistaient
essentiellement à se plaindre des odeurs nauséabondes au bord de la Seine.
Le Premier Conseil municipal eut lieu le dimanche 7 février1790, dans la salle contigüe à l'église St Jean Baptiste, conformément à la
loi d'organisation municipale du 14 décembre 1789. Le premier maire élu était boucher, et déjà Syndic du Conseil de Fabrique,
c'est-à-dire responsable des paroissiens vis à vis du curé. Le Conseil municipal, élu par les citoyens de plus de 25ans domiciliés
depuis plus d'un an dans la commune, et payant un impôt correspondant à 3 journées de travail, se composait de 12 membres pour 2400
habitants. Il y eut 73 électeurs, dont un laboureur, 8 bourgeois, le curé, le vicaire, le directeur de la poste, et les représentants
de métiers variés. Les nouveaux élus prêtèrent serment : « Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi, au Roi, et de maintenir de tout
mon pouvoir la constitution décidée par le Roi. En 1792, à l'occasion de la suppression des droits d'octroi (impôt perçu à l'entrée
dans les villes), il y eut, à Neuilly, une grande « Fête de mai ». La même année la Constitution civile du Clergé est imposée aux
prêtres. Un vicaire, à Villiers, prêta serment, puis se rétracta. Le premier juge de paix, arrivé à Neuilly en 1791, fut accueilli par
la Garde bourgeoise. L'année 1792 fut marquée, à Neuilly par divers incidents : le 29 mai 1792, des gardes suisses, portant la cocarde
blanche, interviennent dans un cabaret, pour y interdire la danse. En août 1792, les gardes suisses du premier régiment étranger, au
service du Roi de France, passèrent le pont de Neuilly pour défendre la famille Royale aux Tuileries. Beaucoup furent massacrés. La
même année, le domaine de Bagatelle, inoccupé et ouvert à tous vents depuis le départ du Comte d'Artois, était à la garde des habitants
de Neuilly, chargés d'en faire l'inventaire. Ils achetèrent l'horloge faite par Lepaute, avec des vêtements pillés sur les gardes
suisses massacrés. L'horloge fut placée sur l'église St Jean Baptiste, elle y est toujours. Le château de Madrid fut vendu à un marchand
de biens. En 1793 le duc de Choiseul, revenu à Neuilly est arrêté. Les dénonciations se multiplient. On veut prendre les biens des
aristocrates. Pierre Paul de St Paul, citoyen ordinaire, domicilié rue de Villiers, est arrêté après une perquisition chez un des ses
amis. Il sera le seul habitant de Neuilly à avoir été guillotiné. La guerre civile éclate en Vendée, et la Convention décide de lever
300000 hommes. Neuilly fait réduire son contingent de 27 à 9 hommes. Une disette sévit à Neuilly, cependant qu'à la porte Maillot, le
restaurant Benoit ne désemplit pas, de « sans culotte » et autres. Le tutoiement devient obligatoire, les citoyens et citoyennes doivent
porter la cocarde tricolore sous peine d'être arrêtés. Le 19 novembre 1793, la Convention décide l'Inventaire des églises : L'église St
Jean Baptiste est rebaptisée « Temple de le Raison ». Le 1er juin un décret de la convention crée l'Ecole de Mars qui recrute des jeunes
citoyens de 16 à 17 ans, pour leur inculquer une éducation révolutionnaire. 3000 élèves arrivent au camp des sablons à Neuilly, qui sont
soumis à un régime militaire très dur. Une affaire montée de toute pièce fit croire à un détournement des élèves du camp des Sablons de
leurs devoirs révolutionnaires par des « ci-devant » de Neuilly, au nombre de 114. Ces derniers furent arrêtés, transportés place de la
Révolution et incarcérés à la maison d'arrêt de l'égalité, aujourd'hui Louis Le Grand. Finalement la Municipalité de Neuilly obtint leur
élargissement avant même leur jugement. L'Ecole de Mars fut finalement dissoute en octobre 1794, et, à son départ, un camp militaire
s'installa dans la plaine des Sablons.
Organisation administrative : En mars 1793 le Directoire proclame l'acte constitutionnel qui supprime l'autonomie municipale, au profit
du canton. Il faudra attendre le Consulat pour revoir un maire à Neuilly. En 1794, l'étude du notaire Petit, qui résidait à Montmartre,
est transportée à Neuilly et installée le 28 avril.
Les églises : Le 25 avril 1794 l'inscription sur l'église St Jean Baptiste, portant « Temple de la raison », est remplacée par « Le
peuple reconnait l'Être Suprême et l'immortalité de l'âme ». Le 28 juin 1795 l'église St Jean Baptiste est rendue au culte catholique.
L'église St Martin de Villiers fut vendue comme bien national et démolie en 1799. Ses fonts baptismaux ont été transférés à St Jean
Baptiste. Ils sont classés « monument historique ».
Les châteaux : Mme de Montesson, rescapée de La Terreur, a vendu le Château de Neuilly à des fournisseurs aux armées. La Duchesse de
Choiseul-Praslin, arrêtée à la Folie ST James, fut sauvée le 9 Thermidor. La Folie St James fut finalement vendue le 15 novembre 1795.
L'Empire
La plaine des Sablons : A cette époque une partie des terrains des Sablons fut louée à Frédéric Arnolphe Duguers de Montrosier et
transformée en lieu de détente sous le nom de « Vauxhall », mais, trop éloigné de Paris, Vauxhall ne dura pas.
Les Folies : A Bagatelle on donna une fête orientale en l'honneur de l'Ambassadeur Ottoman, premier ambassadeur que la France reçut
après la Révolution. La Folie St James fut louée par Lucien Bonaparte et par sa sour, qui y invitèrent littérateurs et artistes. En
1808 laDuchesse d'Abrantes, Laure Junot, loua la Folie St James, et y écrivit ses mémoires, qui sont une source précieuse de renseignements
sur la vie de l'Empire.
L'église St Jean Baptiste : Les vitraux et les chaises furent peu à peu remis en place, et les stalles du chour, qui proviennent du
couvent des Ursulines d'Argenteuil, furent installées en 1805. En 1804, il n'y avait entre St Jean Baptiste et la porte Maillot, que 2
maisons sur l'avenue de Neuilly.
Les châteaux de Neuilly et de Villiers : Les propriétaires du château de Neuilly, fournisseurs aux armées, louèrent le château à
Talleyrand, qui y donna des fêtes. Le Prince Joachim Murat, qui avait épousé Caroline Bonaparte, sour de napoléon, acheta le château de
Villiers en 1802, puis le château de Neuilly en 1804. Il réunit les 2 domaines de Neuilly et de Villiers, puis acheta les parcelles
mitoyennes.
La première mairie : L'abbé Delabordère , maire à cette époque, obtint du Prince Murat l'argent nécessaire à l'achat d'une maison sise
15 rue de Madrid (aujourd'hui rue du Château). On y logea les services municipaux, le Juge de paix, le Curé, les écoles. La ville
joignit le terrain en friche d'un émigré à un terrain du Prince Murat, pour en faire l'actuel cimetière des Graviers. En 1808, le Prince Murat devint Roi de Naples, et dut rendre ses propriétés à la couronne. La Princesse Pauline Borghèse, sour de Napoléon, reçut le château de Neuilly. Elle y donna une immense fête le 14 juin 1810, en l'honneur du mariage de Napoléon et de Marie-Louise, fête qui eut des retombées sur les artisans de Neuilly. La Princesse était très généreuse avec les habitants de Neuilly, et c'est grâce à son intervention que les travaux de dragage des eaux de la Seine purent être entrepris. A cette époque les rues sont des chemins de terre, seule l'avenue de Neuilly est pavée. Les rues commencent à être éclairées avec des réverbères munis de lampes à huile. Un décret du 10 juin 1815 officialise la fête de Neuilly.
Les Restaurations
A la première abdication de Napoléon, les armées des Vainqueurs défilent sur l'avenue de Neuilly le 30 mai 1814, puis elles campent dans
le Bois de Boulogne, et sont nourries par l'habitant. Le 2 juillet 1815 des combats ont lieu au pont de Neuilly. Neuilly est occupé par
des contingents prussiens et anglais, et le sera jusqu'en 1816. Wellington s'installe à la Folie St James et convoque Foucher et
Talleyrand à son quartier général, pour préparer la Seconde Restauration. Cette période fut très dure pour la population de Neuilly. Le
maire de Neuilly écrivit au Duc de Wellington pour lui dire l'état de misère où les troupes d'occupation avaient réduit les cultivateurs
de Neuilly, par le piétinement des chevaux et les saccages du Bois et des habitations
Le Duc d'Orléans
En 1816, le Duc d'Orléans, futur Roi Louis-Philippe, revint d'Angleterre avec sa femme et ses 4 enfants. Il échangea les écuries de
Chartres, qu'il possédait rue St Thomas du Louvre, contre les domaines des châteaux de Neuilly et de Villiers, ainsi que 7 iles sur la
Seine. Son Altesse Royale Marie, Clémentine, Caroline, Léopoldine, Clothilde d'Orléans, Mad
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